Gérard est le mari d’Elsa dont la vidéo est parue il y a un ou deux mois dans notre chaine. Vous pouvez la retrouver en cliquant ici.
Il a été un grand chef pâtissier dans un des plus grands hôtels de Paris. Une longue carrière avec des horaires difficiles, des responsabilités écrasantes et une excellence reconnue.
Cette vie un peu trop fatigante lui fait préférer, à la retraite, sa famille, l’entreprise de sa femme, l’école de la petite. Mais il est bien possible qu’il redémarre la pâtisserie qu’il n’a d’ailleurs jamais vraiment quitté. Parlez lui d’un Paris-Brest, vous verrez !
Transcription de la vidéo
Cet article va retranscrire des éléments importants de sa vidéo qui est maintenant sur notre chaine YouTube. Nous aurons donc dorénavant et chaque semaine, une vidéo d’une activité, gérée ou créée par un(e) expatrié(e) au Portugal et une transcription du texte dans cette Newsletter même.
- Les vidéos elles-mêmes sur notre chaine YouTube, cliquez ici.
- Leur transcription partielle sur la Newsletter dans le Blog Casa Vergao : C’est donc cette lettre que vous lisez à l’instant.
Ces médias sont accessibles à tous et en permanence.
Cet article
La transcription dans cet article est partielle, centrée sur les points les plus importants. Elle permet de lire vite l’essentiel, de savoir TOUT ce qu’il y a dans la vidéo. C’est pratique, rapide mais ne remplace pas la vision de la vidéo qui est un témoignage très fort.
Quel était ton parcours en France ?
Mon parcours en France ? Moi, je suis un banlieusard et puis je n’étais pas un super élève à l’école. J’avais une envie depuis toujours d’exercer un métier manuel. Donc, j’avais pensé à la menuiserie, à l’ébénisterie, mais voilà, les choix de vie de mes parents ont fait que j’ai pris en deuxième option la pâtisserie. Qui est devenue une première option finalement parce que je me suis complètement épanoui dans ce métier. Donc, j’ai fait mon apprentissage de pâtisserie à Ferrandi, à Paris.
Après, je quitte cette pâtisserie familiale, artisanale et j’ai l’occasion de rentrer dans un hôtel avec un restaurant étoilé à l’époque. Et je vais faire tout mon parcours de pâtissier dans cet hôtel. C’est-à-dire que jusqu’à mon départ en retraite, je suis le chef pâtissier du Méridien Montparnasse qui va devenir l’hôtel Pulman.
Et je suis là- bas pendant 35 ans en tant que chef pâtissier avec des chefs de cuisine que je vois changer au cours de ma carrière. Ce qui n’est pas inintéressant d’ailleurs, parce que les chefs de cuisine insufflent une politique, une façon de voir les choses différentes à chaque fois. Et en gros, c’est comme si on changeait de maison. Beaucoup de gens m’ont dit « Mais tu te rends compte, tu es resté 35 ans dans le même hôtel ? » Je dis « Oui, mais j’ai eu cinq chefs différents. » C’est comme si j’avais changé cinq fois.
Oui, c’était une production phénoménale. Moi, j’ai géré une brigade, j’ai eu jusqu’à six pâtissiers sous mes ordres. Donc oui, c’était phénoménal. On faisait entre 4 500 et 6 000 couverts. Parfois 700 gâteaux pour un repas.
On s’attachait à faire de la très bonne qualité, donc on ne travaillait que des produits nobles. Parce qu’il y a des gens qui, quand ils entendent « quantité », pensent tout de suite à des produits médiocres. Nous, on avait les moyens. On avait beaucoup de moyens et du coup, on pouvait acheter de très bons chocolats, des marques qu’on connaît, on travaillait avec du beurre de Charente. J’avais la possibilité de faire de très bonnes pâtisseries.
Mais c’était un métier très physique, très, très, très physique.
La reconversion et l’arrivée au Portugal
Aujourd’hui, j’ai une épouse qui est plus jeune que moi et qui était dans l’hôtellerie aussi, qui était directrice d’hôtel. Et puis, comme tout le monde sait, le Covid est arrivé et tout le monde a posé un regard complètement différent sur le métier de la cuisine, de la pâtisserie et sur le métier d’hôtelier. Du coup, mon épouse s’est remise en question. Elle ne voulait plus faire le métier de cette façon-là.
Donc, elle a fait une reconversion, elle a fait une école du spa et elle voulait ouvrir un spa. Et moi, l’âge de la retraite a sonné, mais je voulais rester actif. On avait fait un voyage quelques années auparavant au Portugal. On avait vraiment aimé ce pays. On avait apprécié la vie, la douceur de vie, les gens très sympathiques. Et du coup, on s’est dit « Voilà ».
J’ai dit « Toi, tu veux ouvrir un spa ? Qu’est-ce que t’en penses ? » On est venu au Portugal et moi, je voulais poursuivre une activité là- bas. Pas aussi intense que dans la production mais trouver quelque chose qui me permette de continuer à exercer mon métier, c’est- à- dire en choisissant mes clients et les prestations que je voulais faire.
Et nous nous sommes retrouvés au Portugal !
Honnêtement, même avant ma retraite, si l’occasion s’était présentée, si mon épouse n’avait pas été dans l’hôtellerie, je pense qu’on serait partis plus vite. On serait venu ici, même avant la retraite, parce qu’il y a une approche complètement différente de la vie.
Pour l’éducation des enfants, la scolarité. Il y a une approche totalement différente.
Moi, je n’ai pas quitté la France, j’ai quitté Paris. Et il y a une différence qui peut paraître subtile à des Parisiens et qui est importante, car je pense à des gens qui vivent dans la campagne en France. Et du coup, pour nous, c’est devenu naturel de quitter Paris parce qu’on n’avait plus nos repaires à Paris. L’après-Covid a accéléré les choses. On pense que la vie s’est dégradée. La qualité de vie de Paris qui n’était déjà pas extraordinaire non plus.
La sécurité au Portugal
Les gens ici se sont étonnés quand on a mis l’alarme sur la maison. Ils nous ont dit « Non, il ne va rien se passer ici. » Quand j’ai parlé à mon ami garagiste, je lui ai fait mettre des écrous anti-vol sur les jantes. Il me dit « Mais ici, tu es au Portugal, on ne vole pas les roues, ça n’existe pas. Ça ne m’est jamais arrivé. Je ne l’ai jamais vu de ma vie. Je ne vois pas pourquoi ça commencerait avec toi ».
Et maintenant, 8 fois sur 10, je ne ferme plus la porte de la maison ni le portail, ça reste ouvert parce qu’on se sent complètement tranquille, en sécurité.
Et pour ta fille ?
C’était notre interrogation. Or elle a réussi son intégration, c’est-à-dire que déjà elle s’est approprié la langue portugaise, ce qui s’est fait assez rapidement. Au bout de deux mois, elle se débrouillait et maintenant, elle parle le portugais. Je ne veux pas dire parfaitement, il lui manque encore un peu de vocabulaire, ce qui est normal.
Voilà, elle a 11 ans. Et ça fait notre fierté parce que à la dernière réunion de parents d’élèves à son école , la maîtresse a tenu un discours assez étonnant. Elle a dit « Vous voyez, il y a Marie qui finit troisième de la classe. Moi, j’ai honte pour les enfants portugais. » Parce qu’elle dit, « Il y a seulement sept mois, elle ne parlait pas la langue et quand on voit les résultats qu’elle a ! Posez-vous des questions, remettez-vous en cause. » Donc nous, on était un peu gênés, mais d’un autre côté, on était fiers aussi parce qu’on s’est dit : « Voilà, ça se passe bien. » C’était un peu la clé.
Elle commence à avoir des amis, des fêtes d’anniversaires. Je pense que quand on va dans un autre pays et qu’on a un enfant, c’est vraiment l’interrogation principale. C’est fondamental.
Je vois la dernière fête d’anniversaire à laquelle elle a participé, je l’ai emmenée en voiture en pleine campagne et on avait un peu de mal à trouver. On tombe sur le papa qui organisait la fête et je lui ai dit « Je suis le papa de Marie, je vous amène Marie. » Donc on était au milieu d’un champ, c’était très bucolique, au bord d’une rivière avec une piscine naturelle. Et il me dit « Je dois retourner sur la route pour accueillir d’autres personnes, est-ce que vous pouvez m’emmener ? » Et je lui ai dit « Mais Marie ? » Et il me dit « Ne vous inquiétez pas, il y a mon épouse en bas.»
Et il a dit « On est au Portugal, ici les enfants, c’est sacré. Il ne va rien se passer. Ne vous inquiétez pas, elle est là, elle est prise en main. » Et donc voilà, il y a une espèce de confiance comme ça et beaucoup de Portugais me l’ont répété. Alors, ce n’est pas pour ça qu’il n’existe pas de mauvaises personnes, attention, mais quand on confie son enfant à d’autres parents, on peut le faire avec beaucoup plus de confiance qu’on ne le ferait en France, à Paris en tout cas.
Moi, je n’ai jamais laissé ma fille à Paris, même avec des parents de ses camarades de classe, sans très bien les connaître, je ne l’aurais jamais fait. Parce qu’il y a toujours une appréhension, toujours de se dire « Qu’est-ce qui peut se passer ? » En France, finalement, il y a une méfiance généralisée sur les autres. C’est dommage.
Je ne sais pas d’où ça vient, mais on pourrait se poser la question. Mais on est toujours un peu méfiants. C’est vrai que ça s’est installé comme ça. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais moi, en France, je n’ai pas confiance. Alors qu’ici, je l’ai.
Pourquoi ?
Je pense parce qu’il y a un climat général. Il y a une sympathie. Que ce soit dans un petit village ou même ici, dès qu’on connaît les gens, on se dit bonjour, on se salue. Vous allez chez le garagiste, même la première fois, « je vous paye ? » Et lui : « Non, on voit ça tout à l’heure, ne vous inquiétez pas. »
Je pense que c’est le Portugal mais c’est quand même une partie assez rurale ici. On est resté peut-être au temps d’avant. Ça fait un discours un peu rétrograde, ce que je suis en train de dire, mais on est resté comme dans une France il y a quelques années, avec une espèce de douceur de vivre, de savoir-vivre que moi, je retrouve plus maintenant à Paris en tout cas, peut-être que dans des villages, dans les campagnes ?
Paris c’est une ville assez folle pour s’amuser et pour profiter de la vie. Mais avec un enfant, après le Covid, on a tout de suite compris que ça n’allait pas être possible. On ne voulait pas élever notre fille dans ce cadre-là, c’est- à-dire avec le vendeur de rêve (le dealer) en bas dans la rue, c’était juste pas possible. Donc on voulait de la sécurité pour notre fille, une approche de l’éducation différente. Et au Portugal, le choix s’est imposé naturellement.
Les autres expats
Les Américains sont en train d’arriver en force, apparemment. On en entend beaucoup parler. Ils arrivent, les Américains, ils sont là. Après, ça peut se comprendre aussi. C’est attractif ici.
Avec mon épouse, nous, ce qu’on aime, c’est « se mélanger », c’est- à-dire on aime bien aller avec les Portugais. Ce n’est pas qu’on évite car on connaît aussi des Français, on a des relations avec eux. Mais nos meilleurs amis, les très bonnes relations qu’on a sont des Portugais ou des Anglais.
Les Français, on ne les voit pas tant que ça, finalement. Parce qu’il y a beaucoup de Français expats qui ont quand même tendance à vivre entre Français. C’est-à-dire qu’ils sont au Portugal pour des raisons qu’on imagine. C’est-à-dire un coût de la vie qui est attractif. Même si après le Covid, certaines choses ont augmenté, ça reste encore hyper attractif. Que ce soit pour les achats, la nourriture, les vêtements, on ne va pas se voiler la face.
Mais il n’y a pas que ça, parce que si on ne vient que pour ça, il est clair qu’on vit entre Français et Anglais. Moi, je trouve ça assez dommage. Ce n’est pas mon parti pris, c’est-à-dire que moi, je suis là pour découvrir les cultures portugaises, pour essayer d’en appréhender un peu l’histoire. On peut aller faire ses courses chez Leclerc et manger français tout le temps. Moi, ça m’intéresse pas. Il faut être dans la mixité.
La langue portugaise
Mon épouse est mexicaine, je parle espagnol. Je ne vais pas préparer une thèse en espagnol, mais je parle espagnol. Et donc, du coup, ça ne me paraît pas tellement compliqué le portugais. Si on parle espagnol, on arrive à se faire comprendre même si le portugais n’apprécie pas forcément tellement ça.
Mais tout doucement, on y arrive. C’est-à-dire qu’assez rapidement, on peut se débrouiller dans une grande surface, on peut se débrouiller dans un restaurant, on peut se débrouiller dans un bar. On arrive très vite à s’approprier des expressions. Il y a plein de choses comme ça où on comprend très vite ce que ça veut dire. Et puis en fin de compte, ils sont assez sympathiques et vont vous aider. Mais c’est vrai que, quand on est dans des petits villages avec des accents à couteau, ça peut paraître décourageant des fois. Après les gens qui ont 40 ans, 45 ans, soit ils parlent anglais, soit parlent un peu de français.
Donc il y a toujours moyen de se débrouiller. La barrière n’est certainement pas le langage. Il peut y en avoir d’autres, mais le langage n’est pas une barrière. Moi, je pense pas.
Travailler encore ?
Moi, c’est ce que je voulais, c’est-à-dire pouvoir continuer à exercer mon métier, mais avec des choix de production bien plus restreints que ce que je faisais avant. Donc, je garde la main à la pâte, je me fais plaisir. C’est l’occasion de me faire un petit peu d’argent et tout le monde y trouve son compte parce que les Portugais, quand c’est des Portugais qui font des commandes et j’en ai, ils découvrent une autre pâtisserie. Et en général, ils sont plutôt contents et ont envie de revenir. Ça, c’est une bonne chose. Après, je suis retraité, donc je ne vais pas vous dire « Il faut absolument que je gagne ma vie avec cette passion. »
Si j’avais fait ce choix de vie pour des raisons différentes avant la retraite, évidemment, ça aurait été tout autre. J’aurais fait des démarches pour prendre une boutique, pour fabriquer. J’aurais été dans une autre démarche. Mais moi, je suis retraité, mon épouse, elle, reste active avec son spa. Ça me permet de voir venir et de prendre des commandes que je veux bien prendre quand je veux les prendre.
La pâtisserie portugaise
Et puis, la pâtisserie portugaise est comme un peu le mode de vie portugais, c’est-à-dire que c’est très « show off » aussi, c’est-à-dire que ça claque, ça tape à l’œil et quand on met un coup de fourchette dans le gâteau, on se dit « Oh mon Dieu ! ». C’est magnifique, on est dans un décor fantastique, tous les thèmes possibles et imaginables avec les couleurs qu’on peut avoir. Et puis, malheureusement, on prend un bout du gâteau, on mange 100 grammes du gâteau, c’est 100 grammes de sucre. C’est terrible, c’est terrible.
Ça empâte la bouche. Il vous faut un verre d’eau à portée de main, sinon, c’est pas possible. Mais bizarrement, c’est très difficile de les amener vers une autre pâtisserie parce qu’ils ont du mal à sortir de ce truc hyper lourd, hyper sucré. Alors, il faut les amener progressivement Il faut les « dé-sucrer » progressivement. Mais au final, ça fonctionne assez bien.
Moi, j’ai l’occasion, j’ai un ami portugais et on se réunit tous les vendredis. Tous les vendredis, on fait un repas le midi. Lui est toujours en activité au Portugal et il a vécu longtemps en France, mais maintenant, il est revenu depuis 20 ans au Portugal.
Et donc, il a une équipe avec des jeunes ensemble chez lui. J’ai souvent l’occasion de faire le dessert ou de faire une entrée ou de faire le plat. Et pour moi, c’est un vrai test avec un vrai panel, parce qu’il y a des ouvriers qui ne parlent absolument pas français la plupart du temps ou deux ou trois mots comme ça, qui sont des vrais ouvriers portugais. Et ça me permet de faire découvrir une autre pâtisserie et d’avoir un retour immédiat. Et quand j’entends à chaque fois « muito bom, muito bom », je me dis « Voilà, il y a une possibilité quand même » et je leur fais goûter une autre pâtisserie.
Ici, ils font un riz au lait, il faut aimer sucer un bâton de cannelle parce que la cannelle, il y en a. Je leur ai fait découvrir un autre riz au lait avec un caramel d’abricot, avec de la vanille, des choses comme ça. Finalement, eux-mêmes, je pense, sont étonnés. Ils se disent « Tiens, on peut le faire différemment ». Que ça soit les tartes, que ça soit les quiches Lorraine, les entrées, les pâtés de viande ou des choses comme ça.
On s’aperçoit qu’en fin de compte, c’est une question de culture, c’est-à-dire qu’ils aiment bien manger, mais souvent les mêmes choses, toujours autour de la même chose. Je pense que c’est juste une question de facilité, mais qu’on a la possibilité de leur faire découvrir d’autres choses.
Il y a une vraie possibilité d’ouverture et de création ici, même bien avant la retraite, à condition de ne pas forcément aller s’implanter à Lisbonne ou à Porto où là, il y a beaucoup de Français qui y ont déjà pensé et où ça fonctionne très bien. Le Portugal est un petit pays, mais un petit pays vaste, c’est-à-dire qu’il y a de quoi faire. Il y a plein de grandes villes où on ne trouve que de la pâtisserie portugaise et on sait très bien qu’il y a des expats et qu’il y a de la demande.
La formation, j’y avais pensé. Je pense que si j’étais venu avant la retraite, c’est ce que j’aurais fait, faire des workshops, c’est-à-dire d’avoir une pâtisserie, mais de dédier des après-midis à des apprentissages spécifiques d’une pâtisserie française, de créer ça pour cinq ou six personnes. C’était un peu les modules que je voulais faire. Cinq ou six personnes, une pâtisserie française, on fabrique, la personne repart avec sa pâtisserie, la ramène chez elle.
Donc, ça, je ne dis pas que je n’y pense plus, mais maintenant, je suis plutôt sur un autre format, je fabrique mes pâtisseries le week- end et j’ai une clientèle que je commence à connaître et que je fournis comme ça.
Profiter de la vie
Je profite bien de la vie. Je profite de ma fille de 11 ans. Je suis là pour épauler mon épouse qui, elle, vraiment démarre son business. Donc des fois, ce n’est pas facile. Elle est fatiguée le matin, elle n’a pas envie de prendre sa voiture. Donc je l’accompagne avec plaisir. Je dépose ma fille à l’école et je repasse voir les copains avant de retourner à la maison, de m’occuper de la maison, de faire de la pâtisserie quand j’ai besoin d’en faire,…
Mais ici, on en parlait tout à l’heure, il y a encore cette possibilité d’échanges de services.
C’est-à-dire qu’on peut faire du troc parce que des fois, financièrement, il y a des choses qui ne vont pas passer. « Tiens, je sais travailler ça.» « Magnifique. Fais-moi ça, on s’arrange » « Tiens, le beau-père, il a eu plein de tomates» etc..
C’est encore un pays où dans la campagne, ça fonctionne très, très bien.
Une fois, j’ai dit « Les bons comptes font les bons amis. ». La première fois que j’ai dit ça, mon meilleur copain au Portugal, qui a vécu très longtemps en France, quand je lui ai dit ça, il m’a regardé, il m’a dit « On dit jamais ça au Portugal. » Il m’a dit « Non, je ne fonctionne pas comme ça. » Il m’a dit « Je ne tiens pas de comptes avec les amis. » Mais il dit « Après, il faut qu’il y ait un échange qui soit réciproque. Si on est des amis, on sait quand c’est réciproque, on sait quand ça ne l’est pas. Tu vois, t’as besoin d’aller à l’aéroport de Lisbonne pour prendre l’avion, je t’emmène. Je ne vais pas te dire « Tu me dois un quart d’essence », mais jamais de la vie entre amis, on va dire ça. Je t’ai ramené, je t’ai rendu le service. Moi, le jour où j’ai besoin d’un service, je sais que tu vas me le rendre. »
« Je ne vais pas dire « Tiens, tu me dois ça » et puis on est qui ? Non. Au Portugal, on ne fonctionne pas tellement comme ça ». Quand on connaît bien les gens, qu’on est amis, voilà, c’est des échanges de services.
Après, il ne faut pas que ça balance plus d’un côté que de l’autre, mais entre gens responsables ou intelligents, on sait quand ça commence à balancer d’un côté ou de l’autre.
Ça existait en France. De toute manière, l’argent autrefois n’a existé qu’avec les étrangers. C’est-à-dire que dans un village ou dans un groupe ou une communauté, c’était de l’échange de bons procédés. Il n’y avait que des échanges. Chacun était productif à sa manière et comme il pouvait.
L’argent ne servait que pour des gens qu’on ne connaissait pas. Bien sûr. Là, on donne quelque chose qu’on ne connaît pas, que ce soit des coquillages ou de la monnaie ou un truc, parce que lui, il n’y aura pas de retour. Il va passer. Il n’y aura pas de retour, bien sûr.
Moi, la seule chose pour laquelle je paye ici, c’est quand je sais que je participe à une bonne action. C’est à dire par exemple avec des maçons de formation, je peux lui demander de la maçonnerie, mais je le rémunère. C’est la seule personne que je vais rémunérer parce que je sais que je fais une bonne action, parce que lui, ça lui permet de vivre. Bien sûr.
Je sais qu’il a une fille, que ce n’est pas facile pour pour qu’il n’a pas un métier avec des contrats fixes et des choses comme ça. Donc, des fois, j’ai même des choses à la maison que je pourrais faire mais je sais qu’il va être là deux heures, qu’il va me faire autre chose. Il passe la journée avec moi, je le nourris à midi, je le rémunère et je sais que j’ai fait une bonne action et que ça tisse du réseau parce que lui, il va me faire connaître quelqu’un d’autre.
Mais entre amis, vraiment, non, non, on ne parle pas d’argent. J’ai un électricien, c’est pareil. Mon électricien du village, il est venu me mettre l’électricité, me descendre une ligne pour la piscine en bas. On se fréquente, mais pas comme quand on se fréquente avec avec d’autres portugais. Je lui ai dit « Écoute, combien je te dois ? » On est amis sur Facebook. Il me dit » Je pense que tu me dois rien. Rien. I
l me dit par contre : « J’ai l’anniversaire de ma fille qui arrive bientôt, est-ce que tu pourrais faire quelque chose ? » Je lui ai dit « Évidemment, avec plaisir. Tu me dis combien vous êtes ? » Donc voilà, ça fonctionne ainsi et ce n’est pas négligeable. C’est très agréable à faire. Oui ça crée du lien, ça permet de découvrir les autres, de connaître un peu la vie des uns et des autres. C’est ça qui est intéressant.
Le Spa
Le loyer ? Non, ce n’est pas très cher. C’est assez facile de démarrer, même légalement. Oui, c’est facile de de démarrer. Après, on ne vous mets pas les bâtons dans les roues, mais il y a des procédures à suivre quand même.
Ce qui pourrait paraître le plus compliqué, de plus en plus dans les administrations portugaises, que ce soit en mairie, la mairie ou la Camara, c’est qu’on vous demande de parler portugais parce que je pense qu’ils sont gavés des gens qui arrivent, soit ils parlent anglais, soit ils parlent français et je pense que malheureusement, ça les soule un peu. De plus en plus, ils vous refusent l’accès si vous ne parlez pas portugais.
Mais après, il y a plein de gens qui peuvent faire les démarches pour vous. Vous pouvez vous faire accompagner. Ce n’est pas le cas pour mon épouse parce qu’elle se débrouille bien en Portugais maintenant.
Mais après, tout ce qui est législation, c’est simple, il y a des cases à remplir. C’est-à-dire que le moindre petit magasin, la moindre boutique, le moindre salon, c’est codifié, la réglementation, la sortie de secours, le plan plan d’évacuation.
Vous devez être à jour pour tout ça. Mais à partir du moment, c’est comme pour le reste, c’est comme pour la vie, on coche les bonnes cases, on ne vient pas vous en enquiquiner, jamais. Mais si vous essayez de faire les choses d’une manière un peu peu trop cool en disant « OK, moi, mon panneau publicitaire, je vais le mettre dans la la rue. Si la rue fait fait 3 mètres de large et que mon panneau fait fait 2 mètres et je m’en fous, je fais ça », ça ne va pas forcément bien se se passer.
Oui, il fallait qu’elle fasse des plans d’architecte de la rue en 3D et fasse la demande pour avoir l’autorisation. Oui, il y a des choses comme ça à faire, mais j’ai envie de dire que c’est le prix à payer et il n’est pas si élevé que ça. Pour ouvrir un spa, on ne vous enquiquine pas, on ne va pas vous dire « « Oh là, quel diplôme vous avez ? » mais Elsa a ses diplômes en plus.
Mais à aucun moment, on ne va vous dire « Vous ne pourrez pas ouvrir votre Spa si vous ne montrez pas votre diplôme. » Jamais. Par contre, elle sait qu’elle peut avoir un contrôle, ça, bien entendu. Donc, il y a une facilité quand même pour ouvrir des commerces, pour ouvrir une pâtisserie ou une boulangerie, ça se fait accompagné par un avocat.
D’autres opportunités ?
Oui, je pense. Tout ce qui est métier de service, les métiers manuels, parce que, évidemment, ce n’est pas une légende, au Portugal, des maçons, il y en a plein, mais ils sont tous débordés. C’est-à-dire que c’est très difficile de contacter quelqu’un, dire « Tiens, j’ai ça à faire. » Il va vous dire « Oui. » Il va vous dire « OK, le mois prochain, je suis là. » Mais ils ne disent pas le mois de quelle année ! C’est ça le problème.
Et on peut en rire mais par exemple, si vous prenez une boutique et qu’il y a des travaux à faire, il faut faire très attention parce que si vous avez prévu une ouverture à tel mois, à telle date, prenez de la marge parce que vous allez payer des loyers sans qu’il se passe rien, c’est sûr et certain. C’est le cas avec la boutique juste à côté de chez nous. On pensait qu’en claquant des doigts, ça allait démarrer comme ça. Non, parce qu’il y a toujours un truc, surtout que là, on est en période chaude donc ils ne sont pas tous disponibles.
Et puis, c’est compliqué. Nous, je sais qu’on a la chance et qu’on a tiré les bons numéros quand on est arrivé au Portugal. On a contacté contacté une, deux, trois entreprises. Tout le monde nous dit son étonnement à chaque fois, mais si on les appelle, on dit « Voilà, on a besoin de ça, ça ». Ils sont là le jour à l’heure et pas un quart d’heure de retard. Et quand j’ai dit ça à des amis portugais, ils m’ont dit surtout « Si tu as leurs contacts, envoie-les moi et n’en change jamais ».
Moi, j’ai fait installer un insert dans une très vieille cheminée portugaise qu’on avait chez nous. On m’a fait un devis, on m’a installé l’insert. Là, ils m’ont envoyé automatiquement un mail en disant « Voilà, la campagne de chauffe est terminée. Sachez que vous avez obligation de faire une maintenance comme en France pour l’assurance de la maison et qu’en plus, on remet votre insert à neuf. » OK. « Quelle date désirez- vous ? » Moi, j’ai répondu, j’ai dit « Au 15 septembre, ça serait parfait ».
« Très bien, nous vous confirmons. Le 15 septembre à 9h30, nous serons là. » Quel bonheur ! Mais lui m’avait dit à l’époque « Attention Monsieur, nous sommes une exception au Portugal. Tout le monde ne fonctionne pas comme ça. »
C’est la culture qui est comme ça. On prend son temps.
Bonjour Jean-Claude,
Je me suis encore bien régalé à lire tes articles … oui, je sais … j’ai du retard … sans doute l’acclimatation à notre nouveau pays d’acceuil …
Naaaaan, je déconne, juste que beaucoup de trucs à faire et du coup certaines choses passent en priorité.
Ce témoignage, comme celui de Kevin et sa compagne, se boivent comme du petit-lait.
C’est un vrai régal et puis, au travers de leur vécu, nous nous retrouvons et apprenons d’autres choses.
Par exemple, ce que Gérard explique à propos de l’échange de services.
Personnellement, j’ai du mal à demander et quand je le fais, je me sens toujours débiteur, avec ces explications. j’y vois plus clair, j’espère que celà me permettra d’être plus à l’aise et je ne me sentirai beaucoup mieux que lorsqu’on me demadera un service …
C’est une notion que j’avais perdue dans mon environnement quotidien français et je dois me … ré-éduquer …
Encore une fois, nous ne regrettons pas ce changement de vie, chaque jour nous conforte dans notre décision et l’extrême gentillesse des portugais y fait beaucoup …
Je dis vouvent que notre nouvelle vie à un « sabor do paraíso » …
Amitiés,
Nicole et Patrice